Dans le monde de l’édition, le numérique commence à prendre une part de plus en plus importante. Il ne permet pas seulement de partager un récit à un grand nombre de lecteur, il requestionne la narration et ouvre de manière radicale ses possibilités.
Phallaina arrive dans ce contexte en renouvelant les codes traditionnels de la bande dessinée et en proposant une expérience de lecture différente et originale.
Il s’agit de l’histoire d’Audrey, une jeune fille qui souffre de crises hallucinatoires au cours desquelles elle voit des baleines. En lui faisant passer des examens, un neurologue/chercheur décèle chez elle un physeter, une structure anomalique qui permet à ses porteurs de rester longtemps en apnée.
Mariett Ren, l’auteur, s’est inspirée des premiers systèmes de narration tels que les tapisseries, les rouleaux chinois ou les fresques murales pour développer son récit. Et c’est sous la forme d’un long travelling dessiné, qu’il se traduit. En le faisant défiler de gauche à droite, le lecteur progresse dans l’histoire et l’action vient s’enchaîner dans un fil continu, sans cassure. Le mouvement étant déjà créé par le geste qu’effectue le lecteur, il n’est pas nécessaire de répéter des plans pour signifier les actions.
Marietta propose ainsi une narration qu’elle dit « hybride entre cinéma, bande dessinée et illustration ». Les plans s’enchainent par des jeux de transformations et compositions graphiques, ce qui créé des transitions très douces surprenant par moment le lecteur.
L’outil numérique est ici exploité dans ce qu’il a de meilleur. On retrouve l’utilisation de techniques permettant de signifier des profondeurs de plans avec l’utilisation de parallax, ou des changements de points vue avec l’intervention de la 3D. Le métissage de ces techniques est effectué avec une telle justesse que l’on ne ressent aucun surplus ou surenchère, cela vient, au contraire, appuyer subtilement l’expérience narrative.
L’atmosphère est aussi renforcée par la présence d’une ambiance sonore venant enrichir narration par le biais de musiques et bruitages spécialement réalisés pour l’expérience.
Le projet ne s’est pas limité à une application mais a aussi été décliné en une fresque urbaine interactive. Longue de 115 mètres, les lecteurs peuvent retrouver l’ambiance sonore à l’aide d’une application dédiée. En déambulant, on progresse alors dans l’histoire et l’ambiance sonore se modifie en conséquence.
Il est a noter que cette fresque a été installée à Angoulème lors du festival et sera de nouveau disponible à la Ferme du Buisson du 4 au 9 avril.
Phallaina est donc une œuvre innovante par son système de narration et qui vient investir à la fois nos usages courants du numérique et l’espace physique. Ce lien entre physique et virtuel est notamment très proche des hallucinations traitées dans le récit, où Audrey voit apparaître des baleines nageant dans l’air, tout autour d’elle. Les transitions réalisées entre les plans augmentent aussi cette impression de pluralité confuse des points de vue, et dont le lecteur change continuellement sans qu’il s’en rende compte immédiatement.
Je vous conseille vivement de vous essayer à cette nouvelle expérience de narration menée avec la plus grande finesse, d’autant plus qu’il s’agit d’une application disponible gratuitement sur Android et iOS.
Aussi, si vous ne connaissez pas la section Nouvelles Écritures consultable sur le site de FranceTV, je vous recommande de vous y rendre et découvrir les nombreux contenus originaux qui y sont disponibles.
Liens :
- Le portefolio de Marietta Ren
- La page sur le site de France TV
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