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Mon design doit-il être tendance ?

Mon projet doit-il être tendance ? Beaucoup entendront par-là : « le design de mon site doit-il suivre l’esthétique à la mode du moment ? ». De nos jours, les designers ne se posent plus vraiment la question, tant la chose est devenue naturelle : un site suit les standards graphiques de l’année.

Sans donner de solution toute faite, j’aimerais revenir avec vous sur la définition et l’importance des tendances numériques.

A quoi ça sert, une tendance ?

En y réfléchissant quelques secondes, on serait en droit de se demander pourquoi il existe des tendances, et pourquoi elles sont aussi fortes. En effet, si Google et Microsoft à la sortie du flatdesign et du material design ont proposé une alternative à l’esthétique forte d’Apple, se distinguant par le style épuré des formes et des couleurs de leurs interfaces, les millions de sites ayant suivi le troupeau tels des zombies artistes ne font rien d’autre que de se noyer dans une masse anonyme ayant un même style graphique.

En choisissant d’entrer dans le rang « flat », on devient invisible, et on perd son identité.

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Dribbble, le Vatican de la tendance.

Alors pourquoi continuer à suivre la même « tendance » ?

En réalité, entrer dans un moule n’est pas qu’une mauvaise chose, surtout quand on essaye de toucher un nouveau public. Le service marketing des plus grandes marques de divertissement dépensent des milliards pour trouver et toucher leur cible en leur parlant leur langage avec ses propres codes esthétiques, humoristique, etc.

Car c’est bien de langage qu’il s’agit. Une tendance, c’est un code précis qu’il faut respecter pour être reconnu comme « cool », à l’image du dresscode des collégiens. Quiconque oserait venir en salopette au cours de français de Madame Billentête (spéciale kassdédi) se ferait implacablement exclure du reste du groupe uniforme, tout comme un site qui propose à ses visiteurs de lire son article en Comic Sans. Aujourd’hui, une application qui revête des effets « glossy » n’est même pas sûr d’être accepté sur l’Apple Store.

Si les jeunes collégiens n’acceptent dans leur cercle que leurs paires, ça se comprend. Qu’Apple refuse une app qui n’est pas dans la tendance, c’est plus difficile à imaginer. C’est que la tendance, ça ne se limite pas qu’à quelques couleurs et des coins arrondis !

 

La tendance ne s’arrête pas à l’esthétique

Il est admis que depuis le développement du flat design, en 2012 et 2013, un certain nombre de nouvelles icônes ont été inventée et implantée dans la majeure partie des sites mobiles (oui burger icon, c’est à toi que je penses), et c’est autant d’icônes qui sont partis à la corbeille (elle-même ayant été épargnée). Ce phénomène s’explique par les changements de codes qui ont accompagné la transition esthétique de la mode. Si en effet les effets métallisés sont en voie de disparition, l’espèce entière des icônes skeuomorphiques risque l’extinction à tout moment. Toutes les minutes, une icône « clé à molette » est rayée de la surface du réseau mondial (note : penser à faire parvenir l’information à Nicolas Hulot).

Simultanément, on a pu assister à l’avènement du cross-plateforme, ce merveilleux concept de lancer un service à la fois sur PC, téléphone et tablette. Et ça, si ça tient bien plus de l’usage que de l’esthétique, et c’est tendance. Ainsi, si on prend la peine de ne pas s’arrêter aux apparences, on se rend compte que le flatdesign correspond à l’explosion des services multi-device, comme le material design (bien que cette tendance tienne plus du service marketing de Google) apparaît en même temps que l’essor des wearables techs. Tout ceci ne s’est évidemment pas fait en un jour et la frontière entre les tendances et les époques sont floues, mais peuvent certainement être catégorisées en époque (si un/e courageu/x/se souhaite s’en donner la peine, on lui laissera avec plaisir une tribune sur DsgnDiver).

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Les burgers icons animés, une tendance qui date de cet été.

La tendance et l’obsolescence

Montesquieu l’écrivait en 1721, la mode est un phénomène lié à l’éphémère et à l’argent. Les tendances du graphisme numérique vivent au rythme des fuites des nouveaux iPhone, et on aura sitôt fait d’oublier les « outlines icons » (les icônes filaires) lorsqu’un nouveau style se sera démocratisé. De ce fait, les tendances tiennent du temporel, et on peut aller jusqu’à dater l’utilisation de telle ou telle couleur comme le fait Pantone (avis aux amateurs de bleu canard/émeraude, c’est so 2013). Mais après tout, ne ditons pas qu’une langue est vivante ?

Tendance, mode, capitalisme, innovation, tout est intrinsèquement lié. La mode est, paradoxalement, un élément différenciant qui conduit à faire partit d’une masse de pairs. Elle pousse à la consommation, crée un cycle d’achat, rend dessué un produit tout à fait utilisable, mais devenu obsolète par la nouveauté. C’est cependant un formidable outil pour accélérer l’innovation, elle qui pousse en même temps à l’exclusion de tout ce qui en est étranger !

En tant que designer, je retiendrais qu’il vaut mieux une tendance qui évolue rapidement et à laquelle il faut se plier qu’une eau croupie et stagnante, où rien n’est remis en cause. Après tout, si les tendances étaient, il y a quelques années, menées à la baguette par Coco Channel, il existe aujourd’hui un terreau fertile de centaines de designers prenant part à l’élaboration des prochaines modes graphiques et d’UX. Même si certains essayent justement d’exceller dans la tendance du mois voire de la semaine, au risque de provoquer l’overdose.

 

Comment se démarquer dans un océan uniforme ?

Nous l’avons vu au cours de cet article, se plier aux tendances peut devenir parfaitement obligatoire en fonction de votre cible. Si celle-ci est jeune et geek, il faudra lui parler sa langue. De même si elle est plus mature. C’est pour cette raison que vous voyez circuler de vieux sites aux allures de page Skyblog des années 2005.

Mais plus qu’une obligation, les tendances doivent être utilisées comme des outils.

Car si grâce à elle vous pourrez attirer un public, ça sera aussi l’occasion de vous démarquer. Et pour ça, pas de recette miracle : il faudra savoir doser entre la tendance et l’originalité. Je vous parlerai volontiers d’Evernote et Skype, deux applications qui ont su rester dans une tendance flat tout en se l’appropriant en choisissant des couleurs et des typographies qui font sens, sans être étrangères à leur public. Après tout, c’est comme bien choisir ses mots : on parle toujours français, mais on emploi un langage avec plus ou moins de mots savants.